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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/57

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problèmes : pourquoi le passage de l’un au multiple, pourquoi la création du monde ? Par besoin de Dieu de se connaître ? Ou d’avoir des êtres à aimer ? Ou par nécessité intrinsèque de dédoublement, sous l’effet de la concentration sur soi-même ? Cette question est de celles qui, d’après lui, relèvent de la métaphysique et non de la religion, et sont d’ailleurs insolubles. Il admet comme un fait de développement normal cette manifestation, cette « représentation » de l’Infini par la multiplication des individualités finies.

Il déclarera, pages 233-234 : chaque croyant sait qu’il est lui aussi une partie et une création de l’Univers (= de Dieu), qu’en lui aussi se manifeste l’activité et la vie de ce principe divin, qu’il est donc lui aussi pour les autres un objet digne de la contemplation intuitive. Il fera voir plus loin, 5e discours (pages 266-268), dans la naissance d’un individu humain celle d’une conscience déterminée de l’Univers, nécessaire à la multiplication de ces consciences individuelles, finies ; leur diversification doit viser à une totalité qui ne saurait être atteinte, puisqu’elle devrait équivaloir à l’infini, mais dont il importe d’approcher le plus possible. Dans ce second discours, page 53, il parle de « la nature infinie et vivante dont le symbole est diversité et individualité », et condamne comme il le fera encore ailleurs, page 64, le misérable idéal d’une « glabre uniformité ».

Il devrait donc, semble-t-il, souhaiter à ces consciences individuelles l’immortalité d’une éternité personnelle. Tel n’est pas le cas. Il ne veut voir chez ceux qui y aspirent que le désir d’être doués pour l’éternité d’yeux mieux voyants et de meilleurs membres. C’est à ce sujet qu’il recommande aux individus, pages 132-133, d’anéantir en eux dans ce monde déjà leur individualité, pour vivre dans l’Un et le tout, et se fondre ainsi dans l’Univers, c’est-à-dire dans le Divin. Cet élargissement infini de l’individualité équivaut à une fusion du fini avec l’Infini, et cette fusion avec l’Infini permet d’être immortel la durée d’un instant, « de chaque instant » renforcera la seconde édition. C’est là, conclut le romantique, la vraie immortalité religieuse. Il parlera de même, à la fin du quatrième discours, page 234, du croyant qui, communiant pleinement avec toute l’humanité, « sortant de lui-même, triomphant de lui-même, est sur la voie de la vraie immortalité, de la vraie éternité ».