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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/60

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« tout livre sacré n’est qu’un mausolée de la religion, qui témoigne qu’un grand esprit a été là, qui n’y est plus, car s’il était encore vivant et agissant, comment accorderait-on une si grande valeur à la lettre morte, qui ne peut reproduire de lui qu’une faible image ? Celui qui a de la religion, ce n’est pas celui qui croit à un livre saint, mais bien celui qui n’en a pas besoin, et serait sans doute capable d’en composer un lui-même. » Ici, le théologien va presque aussi loin dans l’extravagance romantique que Fr. Schlegel qui, dans une lettre du 2 décembre 1798 à Novalis, se demandait comment il convenait de partager entre eux deux les rôles de saint Paul et du Christ. Ce qu’il y a là de plus téméraire, « en composer un lui-même », sera supprimé en 1806. Mais la seconde édition maintiendra ce que Schleiermacher dit dans le cinquième discours, page 305, de la Bible chrétienne : « Les saintes Écritures sont devenues Bible en vertu de leur propre force intrinsèque, mais elles n’interdisent à aucun autre livre d’être ou de devenir aussi Bible, et ce qui serait écrit avec une force égale, elles se le laisseraient volontiers adjoindre. »

On pourrait voir un argument topique, montrant ce qu’il y a de juste dans ce paradoxe, dans le fait que quelques poésies religieuses de son ami Novalis ont été plus tard admises dans les recueils de cantiques des églises protestantes allemandes.

Dans son ensemble, ce second discours montre l’auteur faisant sortir de l’intuition de l’Univers, telle qu’il la définit, des sentiments et des idées qui tantôt s’apparentent aux croyances chrétiennes, tantôt s’en éloignent plus ou moins. Il les interprète toujours avec une parfaite liberté d’esprit, et insiste constamment sur le fait, primordial à ses yeux, que ces sentiments, ces idées, ces croyances, ne sont une religion vivante qu’à la condition d’être vivifiés par une expérience personnelle, de la nature de celle qu’il a décrite.

La doctrine ainsi esquissée a été jugée en général par les croyants comme plus philosophique et surtout plus esthétique, que proprement religieuse. Il est certain que, si elle côtoie souvent le christianisme, elle est bien loin de se confondre avec lui.

Cependant, il importe de le reconnaître aussi, elle est