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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/76

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au xixe siècle, a été individualiste à l’excès, avec une outrance destructrice du sens et du devoir social. D’autres critiques sont sensibles à la subordination de l’individu à la patrie, à l’État, à l’Église, qui caractérise le second romantisme allemand à partir de 1806, et sont portés à condamner dans tout le romantisme germanique le principe d’un esprit grégaire. Il est certain qu’il y a eu, du début de ce mouvement à sa fin, une évolution, allant d’un individualisme dangereux pour la communauté à une subordination étroite de l’individu à la patrie, à l’État et à l’Église. Cette évolution est particulièrement marquée sur le plan religieux chez Fr. Schlegel et chez Brentano ; elle est sensible aussi sur le plan du patriotisme chez les Schlegel, chez Fouqué, chez Kleist. Elle l’est également chez Schleiermacher. Elle est d’ailleurs un effet normal de l’âge, de l’expérience accrue de la vie : on peut la constater dans tous les pays, dans tous les siècles, aussi bien chez des penseurs ou des artistes que chez des hommes d’action. Le fait sur lequel il faut insister ici, dans l’intérêt de l’exacte vérité, est que l’opposition entre la première et la dernière phase de cette évolution n’est pas aussi absolue que le statue le jugement simpliste des partisans. L’esprit de subordination d’après 1806 laisse subsister bien des ferments d’individualisme. Inversement, l’individualisme de 1800 se double déjà d’un sens de la solidarité humaine plus développé et plus conscient qu’on ne le reconnaît d’ordinaire. Le « culte du moi » est quelque peu assagi, nous avons eu déjà l’occasion de le constater, par une « culture humaniste du moi ». La théorie de cette culture du moi s’inspire de la doctrine nettement formulée par Schleiermacher dans son troisième discours : L’humanité dans son ensemble est la grande « représentation » consciente du principe infini de l’Univers, comme la nature en est la grande manifestation inconsciente. Il importe que cette représentation soit aussi riche et diverse que possible. C’est un devoir pour les individus d’y contribuer. Ils y contribuent en entretenant et développant leur originalité, mais aussi en nourrissant celle-ci des biens spirituels acquis par la communauté humaine au cours de son évolution. Il y a là, l’auteur le sent, des relations de réciprocité qui comportent des devoirs comme des droits. Elles impliquent une solidarité de l’individu avec des com-