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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/79

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à cette question, pages 180-181. La communication religieuse demande un langage plus éloquent, « un style plus haut » que celui des entretiens familiers. Elle s’opère par le discours à accent de prédication que l’enthousiasme du moment inspire à celui qui, dans des circonstances spéciales, dans un cadre approprié, ressent une intuition directe et personnelle du Divin avec assez de force pour se sentir appelé à l’exprimer.

Il est clair que le protestant s’inspire ici du souvenir qu’il a gardé des réunions des Frères Moraves, des conventicules auxquels il avait participé, à Niesky et à Barby, de 1783 à 1787, de sa quinzième à sa dix-neuvième année. Toute sa conception de l’Église, de ses origines psychologiques, des conditions de son fonctionnement, du rapprochement allant jusqu’à l’indistinction entre clercs et laïques, des rapports entre Église et État, toutes ces idées qui, progressivement assagies animeront toujours son activité ecclésiastique, sont ici très fortement influencées encore par les expériences moraves de sa jeunesse.

Il en donne l’impression directe dans ce qu’il dit du croyant capable d’éveiller des âmes à la religion au moment où l’inspiration parle par sa bouche, pages 189-190. Il mentionne d’ailleurs lui-même ces souvenirs personnels dans la note 2 de ses Explications de 1821, et là, tenant compte des expériences qu’il a faites, formulera une réserve au sujet de la véritable fécondité d’entretiens de cette nature. Dans bien des sectes protestantes en effet, le culte a en partie le caractère de semblables échanges d’expériences religieuses personnelles, échanges tels qu’ils ne comportent pas de différence entre clergé et fidèles, mais ce qu’on est convenu d’appeler le sacerdoce universel. Le pasteur et théologien se ralliera de plus en plus, dès 1800, aux usages traditionnels des grandes Églises protestantes, la réformée et l’évangélique. Maintenant, sa préférence irait à une église qu’il dépeint, pages 182-192, comme une libre association de croyants, unis presque sans différence de fonction entre le pasteur et ses ouailles, dans une foi qui ne se cristallise dans aucun dogme, autour d’aucun rite symbolique, et laisse à chacun la faculté d’interpréter selon son expérience personnelle et sa fantaisie individuelle une notion du Divin très vague, dans laquelle peuvent communier théistes et panthéistes.