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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/94

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seconde. Dans la Foi chrétienne, il passe au premier plan.

La religion donc, n’est, d’après lui, toujours pas essentiellement l’adhésion de l’intelligence à des dogmes : ceux-ci ne sont que la formule intellectualisée, abstraite, de certaines conséquences logiques auxquelles peut aboutir ce sentiment. En diminuant ainsi l’importance des dogmes, Schleiermacher continue à s’écarter du christianisme positif traditionaliste, qui fait de l’assentiment de la raison à des dogmes dits révélés le critère de la foi. La religion n’est pas non plus essentiellement la croyance à un certain ordre de l’univers, et au devoir d’une conduite conforme à cet ordre ; en d’autres termes, elle n’est pas essentiellement un code moral. En réduisant ainsi la fonction religieuse de cette double croyance, Schleiermacher maintient son opposition au déisme rationaliste, à la religion dite naturelle. Par ce primat reconnu au sentiment, il reste dans la ligne de son romantisme, il reste un protestant romantique.

Il s’agit maintenant de définir ce sentiment religieux, en le distinguant des autres sentiments. C’est ce que l’auteur fait dans le fameux paragraphe 4, page 14 du Ire volume. « Ce qu’il y a de commun entre toutes les manifestations, si différentes soient-elles, de la piété, consiste en ceci, que nous avons conscience de nous-mêmes comme absolument dépendants, ou, ce qui revient au même, comme en relation avec Dieu. » Qu’est-ce au juste que cette dépendance absolue ? L’auteur s’explique à ce sujet dans les pages 14 à 30. Le sentiment de dépendance absolue naît des conditions mêmes de cette conscience immédiate de soi, avec laquelle Schleiermacher a identifié, paragraphe 3, le sentiment tel qu’il l’entend ici. Par la conscience de nous-mêmes, nous ne saisissons jamais notre moi à l’état pur. Nous ne le saisissons que dans un certain état, à la fois celui de son « être, Sein » et celui de son « être d’une certaine façon, So sein », c’est-à-dire, dans un état déterminé. Cette détermination, où en avons-nous le sentiment ? Non en notre être pur, mais en notre être déterminé, déterminé par quelque chose qui lui est étranger, et qui est la cause de sa détermination. À l’égard de cette cause, nous pouvons nous sentir, soit réceptif, passif et dépendant, soit actif et libre. Tel est le dualisme, également ferme dans l’affirmation et dans la négation, auquel Schleiermacher s’est arrêté en