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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/95

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présence de ce problème de la liberté, retourné par lui dans tous les sens depuis sa jeunesse. Ce double sentiment de dépendance et de liberté, nous pouvons l’éprouver à l’égard de tout ce qui agit sur nous, même à l’égard du monde conçu comme la totalité des forces matérielles et spirituelles éparses dans l’espace et le temps.

Pourtant il y a en nous aussi, croit, affirme Schleiermacher, et c’est cette croyance qu’il donne comme le fondement de sa foi, il y a en nous aussi le sentiment d’une dépendance absolue, d’une dépendance exclusive de toute liberté. À quoi se rapporte cette dépendance absolue ? D’où nous vient ce sentiment, distinct de tous les autres ? Cet « à quoi ? », ce « d’où ? », ce sujet à l’égard duquel notre moi se reconnaît en ceci exclusivement objet, c’est là précisément, d’après l’auteur de la Foi chrétienne, ce que nous appelons Dieu, et l’universalité chez les hommes de ce sentiment, comme son unicité chez chacun d’eux, est à ses yeux la preuve par excellence, la preuve suffisante de l’existence de Dieu, paragraphe 33, I, pages 162-163.

Je n’ai pas à apprécier ici ces affirmations. Cette théorie a été très discutée. Bien des théologiens admettent que le sentiment de dépendance absolue soit un des éléments de la religion, il n’y en a que très peu, je crois, ou peut-être pas, qui le reconnaissent comme élément unique.

La définition que Schleiermacher donne ici, et qui est celle à laquelle il revient sans cesse dans sa Foi chrétienne, se trouve très avantageusement élargie si, au lieu de s’en tenir comme fait presque toujours l’auteur à cette notion de dépendance, on met au premier plan celle qu’il lui donne ici même, et assez souvent ailleurs, comme équivalente, de « relation avec Dieu ». Ainsi qu’il ressort d’autres passages, I, 309 par exemple, le sentiment de dépendance absolue est la forme sous laquelle il considère la conscience que nous avons de Dieu en nous. Le sentiment de notre relation avec Dieu, de la présence de Dieu en nous, voilà ce qui est aux yeux de Schleiermacher le principe de toute religion vivante.

Ce qu’il importe de noter ici d’abord, c’est que le théologien n’hésite plus maintenant à appeler « Dieu » l’objet du sentiment religieux, alors que dans la première édition des Discours il reculait devant ce nom, et se servait des termes