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Page:Schleiermacher - Discours sur la religion, trad. Rouge, 1944.djvu/96

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Univers, Infini, Éternel, par scrupule probablement, ai-je dit, pour éviter qu’on ne confondît ce dont il entendait parler avec le Dieu personnel du christianisme positif.

Au sujet de la personnalité de Dieu, son sentiment ne s’est guère modifié. Il ressort de ce qu’il dit en particulier dans la note 19 de la troisième édition du second Discours, en 1821, que la croyance en un Dieu personnel n’est à son avis pas du tout impliquée dans le christianisme, que même à ses yeux, un Dieu personnel est une contradiction, car tous les attributs d’un être personnel sont des limitations, et l’Être absolu ne comporte pas de limitation. Nous verrons plus loin comment il subjectivise les attributs traditionnels du Divin dans sa Foi chrétienne. Il les y étudie longuement : éternité, omniprésence, toute puissance, omniscience (I, 416-453) ; amour, sagesse (II, 477-495) ; il discute de même le dogme de la Trinité (II, 496-513) ; il ne consacre pas de chapitre au problème général de la personnalité de Dieu, et ne semble pas y attacher d’importance. Il donne ainsi à penser qu’il ne s’est pas rendu compte à quel point le plan que, comme nous le verrons tout à l’heure, il attribue à Dieu relativement à l’humanité, implique chez son auteur une personnalité. Quant à lui, ce qu’il garde de son romantisme lui fait admettre toujours comme normal que, soit le sentiment, soit l’imagination des croyants ait besoin de se représenter Dieu comme une personne. Il n’y voit pas de mal, à condition qu’on n’aille pas trop loin dans l’anthropomorphisme. À cet égard son point de vue reste donc celui de 1799.

Entre Dieu et l’univers, les rapports sont considérés et définis ici de bien des façons. Dans l’ensemble, l’un et l’autre sont moins confondus, moins identifiés qu’il ne le paraissaient dans les Discours ; la tonalité générale semble moins panthéiste. Ils sont cependant toujours inséparables l’un de l’autre. Ce sont des corrélats. On ne peut penser Dieu sans l’univers, ni l’univers sans Dieu. Une des distinctions posées entre eux est que Dieu, c’est l’univers conçu comme unité hors de l’espace et du temps, comme négation des contraires, tandis que l’Univers est la totalité des contraires, divisée, morcelée dans l’espace et le temps (Dialectique de 1811, paragraphes 219 et suivants). Mais il ne faut jamais oublier que, pour Schleiermacher, les définitions importent beaucoup