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dans l’anéantissement personnel de l’élément simple et sans forme, le nirvana, n’est certes ni une conception vulgaire ni une petite entreprise. Il y a d’ailleurs ce charme puissant que, sans autre violence que celle qu’on consent à se faire soi-même, tout le monde s’y trouve placé sur le pied d’une parfaite égalité. Voilà un genre de communisme infiniment plus radical en même temps que plus efficace que le nôtre, qui n’est que sottise et atrocité. On comprend donc que le buddhisme ait pu convenir et convienne toujours à nombre de peuples, que même il soit naturellement la seule doctrine qui s’adapte aux besoins moraux et sociaux de toute une partie du genre humain, de la partie de l’humanité qui n’est pas accessible au sentiment du divin transcendant. Mais il faut avouer aussi que par ce qui lui manque et qui, avides comme nous sommes de la haute culture, est ce sans quoi nous ne pouvons pas vivre, je veux dire l’idéal, il est condamné devant la conscience de notre race. Nous comprenons bien que l’homme s’en retourne dans le néant d’où il est sorti, le pulvis es, et in pulverem reverteris nous est familier ; mais en dehors et au-delà, il faut que nous retrouvions notre vrai moi, que nous nous reconnaissions en notre type, que nous soyons identiques à l’idéal, Dieu lui-même (1). Le néant et rien que le néant nous est une sotte et inepte parole. Quel sens y mettre ? Si tout est fini avec le néant, tout est le vide éternel (2). Max Stirner lui-même ne va pas jusque-là.

Terminons. Nous croyons avoir fait voir que le buddhisme remonte aux origines de la race anarienne et que la pratique de la vertu s’accorde pleinement avec la doctrine qu’il enseigne de l’anéantissement personnel dans l’élément originel de la nature. On conçoit que, à la rigueur, les religions du paradis puissent se [passer de la vertu, puisque, après tout, le paradis y est donné par grâce : Dieu y

(1) I. Ad Corinth., XIII, 12.

(2) Cf. Faust, 2e p. « Vorbeil ein dummes wort, etc. »