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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/109

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proclament en phrases pompeuses, d’une voix infatigable.

Jadis, c’était la foi qui servait avant tout d’appui au trône ; aujourd’hui, c’est le crédit. Il est probable que le pape lui-même fait plus de cas de la confiance de ses créanciers que de celle de ses croyants. Si l’on déplorait autrefois les péchés du monde, on envisage aujourd’hui avec terreur les dettes de ce monde, et, de même que jadis on prophétisait le jugement dernier, on prophétise aujourd’hui la future grande σεισάχθεια, l’universelle banqueroute des nations, avec, dans ce cas comme dans l’autre, le ferme espoir de ne pas en être témoin soi-même.

Au point de vue éthique et rationnel, le droit de propriété est incomparablement mieux fondé que le droit de naissance. Cependant le premier est intimement lié au second, et il serait difficile de vouloir les séparer, sans mettre en péril celui-là. La raison en est que la plus grande partie de la propriété provient d’héritage, et constitue en conséquence aussi une sorte de droit de naissance. C’est ainsi que l’ancienne noblesse porte seulement le nom de la propriété patrimoniale, c’est-à-dire que, par ce nom, elle exprime seulement sa possession. Aussi tous les possédants, s’ils étaient intelligents au lieu d’être envieux, devraient-ils tenir également au maintien des droits de naissance.

La noblesse a donc cette double utilité d’aider à soutenir, d’une part, le droit de propriété, et, d’autre part, le droit de naissance du roi. Car le roi est le premier gentilhomme du pays, et il traite aussi, en règle