Aller au contenu

Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

t-on, sont si impartiaux ! — Le malignum vulgus que voilà ! — Comme si la partialité ne serait pas dix fois plus à craindre d’hommes de la même classe que l’accusé, que de juges qui lui sont complètement étrangers, qui vivent dans de tout autres sphères, sont inamovibles, et conscients de leur dignité ? Mais laisser le jury juger les crimes contre l’État et son chef, ou les méfaits de la presse, c’est réellement donner la brebis à garder au loup.

En tout lieu et en tout temps, gouvernements, lois et institutions publiques ont soulevé de vifs mécontentements. La principale raison en est qu’il existe une tendance générale à leur imputer la misère inséparable de l’existence humaine, puisque, pour parler mythiquement, elle est la malédiction infligée à Adam, et, en même temps, à toute sa race. Mais jamais cette fausse assertion n’a été présentée d’une manière plus mensongère et plus impudente que par les démagogues du « temps présent ». Comme ennemis du christianisme, ils sont optimistes ; le monde est pour eux son « propre but » ; par conséquent, en lui-même, c’est-à-dire d’après sa constitution naturelle, il est excellemment arrangé, et forme un séjour de bénédiction. Les maux énormes et criants qui s’y manifestent, ils les attribuent uniquement aux gouvernements ; si ceux-ci faisaient leur devoir, le ciel existerait sur la terre, c’est-à-dire que tous les hommes pourraient s’empiffrer, se soûler, se propager et crever, sans effort ni peine. Ceci est la paraphrase de leur monde qui est son « propre but » et le point d’aboutissement du « progrès indéfini de l’humanité », qu’ils