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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/119

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exercer sur celle-ci, Cet exposé implique que s’il ment dans ces circonstances, il commet consciemment une grosse faute : ne lui a-t-on pas donné, en comptant sur son honnêteté, pleins pouvoirs pour ce cas, qu’il peut faire servir à la cause de l’injuste ou du juste ? S’il ment, il constate clairement qu’il est un de ces individus qui, ayant le libre choix, met celui-ci, après la plus calme délibération, au service de l’injuste. Le parjure commis lui fournit ce témoignage sur lui-même. À cela s’ajoute la circonstance que nul homme n’étant affranchi de quelque besoin métaphysique, chacun porte aussi en soi la conviction, même obscure, que le monde n’a pas seulement une signification physique, mais a aussi une signification métaphysique quelconque, et même aussi que notre action individuelle, d’après sa simple moralité, a, par rapport à cette signification, des conséquences toutes différentes et beaucoup plus importantes que celles qui résultent de son activité empirique, et qu’elle est, en réalité, d’une importance transcendante. Je renvoie à ce sujet à mon Mémoire couronné sur le Fondement de la morale, § 21. J’ajoute seulement que l’homme qui refuse à sa propre action toute autre signification que celle de l’empirisme, n’établira jamais cette affirmation sans éprouver une contradiction intérieure et sans exercer une contrainte sur lui-même. L’invitation à prêter serment place expressément l’homme au point de vue où il doit se regarder, c’est-à-dire uniquement comme un être moral, avec la conscience de la haute importance pour lui-même de ses décisions en cet ordre d’idées ; celles-ci doivent écarter toutes les autres considérations, au point de les faire complètement disparaître.