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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/128

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pratique (instinct). Elle n’a rien à faire avec celle-ci, excepté quand, par suite de son union mystérieuse avec elle en un seul individu, elles se rencontrent toutes deux, ce qui laisse à l’individu le choix d’être ou raison, ou conscience meilleure.

Veut-il être raison : il sera, comme raison théorique, un philistin ; comme raison pratique, un coquin.

Veut-il être conscience meilleure : nous ne pouvons rien dire positivement de plus sur lui, car notre assertion réside dans le domaine de la raison ; nous pouvons donc seulement dire ce qui se passe dans celui-ci, en ne parlant que négativement de la conscience meilleure. La raison éprouve donc alors un trouble : nous la voyons écartée comme théorique, et remplacée par le génie ; nous la voyons écartée comme pratique, et remplacée par la vertu. La conscience meilleure n’est ni pratique ni théorique : car ce ne sont là que des divisions de la raison[1]. Si l’individu se place encore au point de vue du choix, la conscience meilleure lui apparaît du côté où elle a écarté la raison pratique (vulgo, l’instinct) comme loi impérative, comme obligation. Elle lui apparaît, ai-je dit, c’est-à-dire qu’elle reçoit cette forme dans la raison théorique, qui transforme tout en objets et en notions. Mais en tant que la conscience meilleure veut écarter la raison théorique, elle n’apparaît pas à celle-ci, parce que, dès qu’elle se manifeste ici, la raison théorique se trouve subordonnée et ne sert plus que celle-là. Voilà pourquoi le

  1. Voir, sur l’apriorité de l’instinct, Platon dans son Philèbe. Elle lui apparaît comme le souvenir d’une chose qu’on a pas encore éprouvée. De même, dans le Phédon et ailleurs, tout savoir est pour lui un souvenir : il n’a pas d’autre mot pour exprimer l’a priori avant toute expérience.