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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/143

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La perception est multiple et riche, mais non comparable en brièveté et en rapidité à la notion abstraite qui vient bien vite à bout de tout ; aussi ne rectifiera-t-elle que tardivement, ou peut-être jamais, ces notions préconçues. Qu’un homme constate, en effet, que la réalité des choses contredit l’idée qu’il s’est faite de celles-ci, il rejettera pour l’instant cette évidence comme insuffisante, il la niera, il se fermera les yeux pour ne pas la voir : il ne prétend pas qua sa notion préconçue subisse un démenti. Ainsi il advient que beaucoup d’êtres humains traînent avec eux toute leur vie un tas de sornettes, de caprices, de fantaisies, d’imaginations et de préjugés qui vont jusqu’à l’idée. fixe. Ils n’ont jamais essayé de tirer à leur propre usage des notions approfondies de perceptions et d’expériences, parce qu’ils ont reçu leurs idées toutes faites ; voilà ce qui les rend, eux et tant d’autres, si plats, si terre à terre. Aussi conviendrait-il de maintenir dans l’enfance, pour remédier à ce danger, la marche naturelle de l’éducation appuyée sur la connaissance. Aucune notion ne devrait être inculquée autrement que par la perception, tout au moins sans avoir confirmé celle-ci. L’enfant recevrait alors un petit nombre de notions, mais approfondies et exactes. Il apprendrait à juger les choses d’après sa propre mesure, et non d’après celle des autres. Puis il échapperait à mille caprices et à mille préjugés dont l’extirpation exige la meilleure partie de l’expérience et de l’école de la vie subséquentes. Son esprit s’habituerait pour toujours à la profondeur, à la clarté, au jugement personnel et à l’indépendance.

Les enfants devraient d’ailleurs connaître la vie, sous