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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/159

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Il nous arrive assez facilement de raconter des choses qui pourraient avoir pour nous des résultats dangereux ; mais nous nous gardons bien de parler de ce qui pourrait nous rendre ridicules. C’est qu’ici l’effet suit de près la cause.

Une injustice subie déchaîne chez l’homme naturel une soif ardente de vengeance, et l’on a souvent répété que la vengeance est douce. Ceci est confirmé par les nombreux sacrifices faits simplement pour la goûter, et sans intention aucune d’obtenir une réparation. La perspective certaine d’une vengeance raffinée, imaginée à son heure suprême, adoucit pour le centaure Nessus l’amertume de la mort[1]. La même idée, présentés sous une forme plus moderne et plus plausible, fait le fond de la nouvelle de Bertolotti[2], Les deux sœurs, qui a été traduite en trois langues. Walter Scott exprime en paroles aussi justes qu’énergiques le penchant de l’homme à la vengeance : « Revenge is

  1. Est-il bien nécessaire de rappeler que Nessus, en mourant de la flèche que lui avait lancée Hercule, donna à Déjanire, femme de ce héros, sa tunique comme un talisman qui devait lui ramener son époux, s’il devenait infidèle, et qui, empoisonnée, occasionna au fils de Jupiter des souffrances tellement atroces, qu’il y mit fin en se précipitant sur le bûcher qu’il avait préparé de ses propres mains sur le mont Œta ? (Le trad.)
  2. Bertolotti (Davide), né à Milan, fut poète tragique et lyrique, nouvelliste, historien, biographe, auteur de guides de voyages, etc. Son activité littéraire s’étend de la fin de l’Empire au règne de Louis-Philippe. La nouvelle à laquelle fait allusion Schopenhauer a été traduite en français, sous ce titre : L’Indienne, ou les funestes effets de la jalousie, dans un petit volume de Romans et nouvelles, 1824, Paris, in-12. (Le trad.)