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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/192

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de celle-ci comme la notion à l’égard des individus.

Le côté le plus intéressant et le plus amusant de la chose est, comme il a été dit, la complète identité et stabilité des gestes pour dépeindre les mêmes circonstances, même si ces gestes sont employés par les personnes les plus différentes ; juste comme les mots d’une langue sont les mêmes dans la bouche de chacun, et ne subissent que les petites modifications résultant de la prononciation ou de l’éducation. Et cependant ces formes persistantes et universellement suivies de la gesticulation ne sont certainement pas le résultat d’une convention ; elles sont naturelles et primordiales, un vrai langage de la nature, bien qu’elles puissent être fortifiées par l’imitation et l’habitude. L’acteur et l’orateur, celui-ci à un degré moindre, doivent, on le sait, étudier soigneusement la gesticulation. Mais celle-ci consiste principalement dans l’observation et l’imitation. Il est en effet difficile de ramener cette matière à des règles abstraites, si l’on en excepte quelques principes tout à fait généraux, comme celui-ci, par exemple : le geste ne doit pas suivre le mot, mais il doit plutôt le précéder immédiatement, pour l’annoncer et provoquer ainsi l’attention.

Les Anglais ont un mépris tout particulier pour la gesticulation, qu’ils regardent comme une chose indigne et commune ; mais je vois simplement en cela l’un des sots préjugés de la pruderie anglaise. Il s’agit en effet du langage que la nature donne à chacun et que chacun comprend. Aussi, le supprimer et l’interdire sans autre forme de procès, uniquement pour l’amour de l’illustre « gentlemanry », me semble chose scabreuse.