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Page:Schopenhauer - Éthique, Droit et Politique, 1909, trad. Dietrich.djvu/60

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Mahmoud le Ghasnévide[1], et que ledit lord avait rapportée en grande pompe au Bengale. « Tout cela tombe comme les écailles des yeux, dès que l’on a vécu deux années dans l’Inde », me disait un jour un Européen. Même un Français, le monsieur très complaisant et cultivé qui accompagna il y a une dizaine d’années en Europe les devadassi (vulgo, bayadères), s’écria sur le ton de l’enthousiasme, quand je parlai de la religion de ce pays : « Monsieur, c’est la vraie religion[2] ! » C’est au contraire une chose très drôle, disons-le en passant, de voir avec quel sourire de suffisance quelques serviles philosophastres allemands, comme maints orientalistes qui ne s’attachent qu’à la lettre, envisagent, de la hauteur de leur judaïsme rationaliste, le brahmanisme et le bouddhisme. Je serais vraiment tenté de proposer à ces petits messieurs un engagement au théâtre des singes de la foire de Francfort, si toutefois les descendants d’Hanuman[3] voulaient les tolérer parmi eux.

  1. Sultan de Perse et premier empereur musulman de l’Inde, né à Ghazna, dans la Perse orientale (967-1030). Les avis sont partagés à son sujet. Schopenhauer le traite de « maudit », tandis que les historiens le regardent en général comme un bon roi et un vaillant héros, malgré sa manie des conquêtes. Le poète national de la Perse, Firdousi, a fait de lui cet éloge dans son Shah-Nameh : « Grâce à ta justice de ce prince, le loup et l’agneau venaient s’abreuver ensemble dans ses États ; et à peine les enfants avaient-ils sucé le lait de leurs mères, qu’ils prononçaient le nom de Mahmoud ». (Le trad.)
  2. En français dans le texte.
  3. Hanuman, le fils du Vent, est le singe héroïque qui joue un si grand rôle dans le Ramayana. On l’a rapproché du prudent Ulysse. Sa figure est une des plus populaires de la poésie et de l’art indous, et c’est en souvenir de ce glorieux ancêtre qu’aujourd’hui encore les singes sont si vénérés dans l’Inde et vivent en liberté autour des sanctuaires de Vishnou. (Le trad.)