fixaient craintivement mon visage pour voir si je
n’allais pas me réveiller. Enfin, comme il continuait
à me frôler magiquement, un frisson voluptueux
m’inonda quand je sentis pour la première fois une
main d’homme, et en même temps les souvenirs de
mon enfance m’envahirent. C’était autre chose que
tout ce que je connaissais. Je ne jouais plus la comédie
quand je me mis à soupirer. Je fis un mouvement,
je changeai de position, mais non pas au désavantage
de mon pauvre cavalier tout tremblant. Il
pensait que j’allais me réveiller ; il put se convaincre
que j’étais en pleine léthargie, et il recommença son
jeu. Grâce à ma nouvelle position, il avait beaucoup
plus d’emprise. Aussi ne se contentait-il plus de me
frôler si légèrement : il essayait tout doucement de
tout voir. Vous m’avez dit vous-même, quand vous
m’examiniez, que malgré la dévastation causée par
cette dégoûtante maladie, j’étais très bien conformée.
Aussi, pouvez-vous croire que François devint hors de
lui, complètement hors de lui, et que même son insurmontable
timidité fut tentée ! Il me caressait aussi légèrement
que possible ; ces caresses étaient l’objet — et
je dois l’avouer — de mes désirs. Je connus la différence
entre la caresse d’un homme et celle de Marguerite ou la
mienne. Tout en dormant je m’étendais, me mouvais,
mais je me gardais bien de changer véritablement de
position, ce qui aurait été bien naturel pour une
femme endormie. François ne pouvait plus se maîtriser.
Il commença fiévreusement à se préparer et je
dois dire qu’il m’aurait sûrement conquise sans les
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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE