à tour et de différentes façons : Roudolphine me
prouva d’abord que, puisque son mari la négligeait et
poursuivait d’autres femmes, même qu’il m’avait courtisée,
elle avait le droit absolu de s’abandonner aux
bras d’un cavalier si aimable, si courtois et, avant
tout, si discret. À la plus belle époque de son âge,
elle ne voulait, elle ne pouvait manquer des plus douces
jouissances terrestres, et d’autant plus que ses médecins
lui avaient recommandé de ne pas faire rigueur
à son tempérament. Je savais d’ailleurs qu’elle était
d’un tempérament très vif ; elle savait que je n’étais
pas du tout indifférente à l’amour, que je n’en craignais
que les suites. Elle voulait seulement me rappeler
ce que nous avions fait ensemble ce soir même,
avant l’entrée inattendue du prince. Je tentai de lui
mettre la main sur la bouche, mais cela n’allait pas
sans faire un geste vers mon voisin, qui se saisit
de ma main et la baisa, à petits coups, très tendrement.
Maintenant, c’était à son tour. Son rôle n’était
pas facile, il devait soupeser chaque mot pour ne pas
froisser Roudolphine. Mais je sentais, à l’intonation
de sa voix, qu’il tenait plutôt à me conquérir au plus
vite que d’avoir égard à l’humeur de Roudolphine
qui, maintenant, était forcée d’accepter tout pour ne
pas voir son secret s’ébruiter. Je ne me souviens plus
de tout ce qu’il me dit pour me calmer, s’excuser et
me prouver que je n’avais rien à craindre de lui. Je
me souviens seulement que la chaleur de son corps
m’affolait, que sa main caressait mon cou, mon
visage, mes seins, puis enfin tout mon corps. Mon
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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS