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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/147

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


victime bénévole, impatiente du sacrifice. Quant au bourreau, quelle que pût être sa délicatesse, il était le mâle, que le sang versé devait remplir de joie, de volupté, d’orgueil. Certes, j’ai souffert, et beaucoup plus même que je n’y étais préparée, que je ne me l’étais imaginé ; mais je l’avais voulu, il avait fallu que je le veuille : j’étais destinée, comme toutes celles de mon sexe, à expier je ne sais quelle faute originelle. Vous voulez savoir si du moins la douleur fut accompagnée de joie. Vraiment, je mentirais si je parlais d’un plaisir. D’après ce que Marguerite m’avait raconté et d’après mes propres essais, je m’attendais à un plaisir beaucoup plus fort. Comme je feignais d’être évanouie, j’entendis le prince parler avec enthousiasme des signes évidents de ma virginité. En effet, mon sang avait jailli sur le lit et sur sa robe de chambre. C’était beaucoup plus que je n’osais espérer, surtout après mon malheureux essai au temps de Marguerite. Vraiment, il y avait une belle différence entre l’artifice et la réalité. En tout cas, cela n’était pas mon propre mérite, mais bien un pur hasard, ainsi que la virginité est en général une chimère. J’en ai souvent parlé avec des femmes, et j’ai entendu les choses les plus contradictoires. Certaines femmes affirment n’avoir jamais souffert ; d’autres, par contre, avouent que longtemps l’approche de l’homme leur fut très douloureuse. Ce sont là mystères de la nature et de la conformation corporelle. Au reste, rien n’est plus facile que de tromper un homme, surtout si ce dernier est quelque peu crédule