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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/167

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


une jeune fille ! Je me serais donnée toute, ainsi qu’à Marguerite ! Je n’aurais rien épargné pour révéler les doux mystères de l’amour ! Mais ces personnes étaient ou prudes inabordables ou très laides. D’autres avaient, par contre, une telle pratique qu’elles étaient usées. Elles me faisaient toutes horreur. J’étais donc bornée à moi-même.

« Et si je profitais de mon séjour forcé dans cette ennuyeuse ville pour me fortifier et me préparer à l’amour à venir ? me disais-je souvent. Suis-je capable de faire cela ? Et la volupté future me récompensera-t-elle de ma chasteté ? Je veux essayer. » On dit que la volonté humaine est ce qu’il y a de plus fort au monde. Je me soumis à cette épreuve.

Durant les premières semaines, j’eus une peine inouïe à me dominer. Cela me coûtait des efforts surhumains de m’empêcher de frôler machinalement tel ou tel endroit de mon corps. À la longue, ce me fut plus facile. Et quand des rêves voluptueux m’agitaient, quand la chaleur de mon sang m’aiguillonnait, je sautais hors du lit et je prenais un bain froid ou j’ouvrais un journal et je lisais un article de politique. Rien ne refroidit autant qu’une lecture politique ; une douche froide est, en comparaison, encore un excitant !

Après deux mois de mortifications volontaires, les tentations étaient plus rares. Quand elles me surprenaient, elles n’étaient plus aussi têtues ni aussi longues. Je crois que j’aurais pu renoncer complètement à l’amour, si je l’avais voulu. Ceci est une folie,