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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/168

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


et je ne sais pas pourquoi je l’aurais fait. L’on peut être chaste pour goûter ensuite une volupté d’autant plus forte. La chasteté est alors un excitant. Quand on veut aller au bal, on ne va pas se fatiguer en faisant de longues promenades auparavant, et quand on est invité à un dîner succulent, on ne se charge pas l’estomac avant d’y aller. Il en est de même des plaisirs de l’amour.

Pourtant je ne sais pas si j’aurais pu supporter cette vie durant deux ans. Je dois à un divin hasard d’avoir traversé cette épreuve. Je vous vois sourire, vous ne le croyez pas.

Écoutez plutôt. Je vous assure que je vous écris la pure vérité.

Une de mes collègues, Mme Denise A…, Française de naissance, mais qui parlait parfaitement l’allemand, était la seule, parmi toutes les chanteuses, avec qui je pouvais parler librement de tout. Je n’avais pas à craindre son indiscrétion, tant son indulgence était grande.

Elle avait tout traversé, son expérience était immense, elle était trop blasée pour subir le chatouillement sexuel. Elle n’était pas assez âgée ni assez laide pour ne plus trouver de cavalier d’amour. Et si elle se laissait courtiser par celui-ci et par celui-là, c’était pour les dépouiller, ainsi qu’il est d’usage à Paris.

Certains, que leur goût bizarre poussait vers Denise, s’étaient adressés à moi pour leur servir d’intermédiaire, et j’étais assez bon enfant pour présenter leur plaidoyer. C’est ainsi que commença notre amitié.