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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/188

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


heure il était ouvert, et l’on me répondit qu’il fermait à neuf heures du soir pour se rouvrir à quatre heures du matin. Arpard me pressait de rentrer bientôt, car ce petit bois n’était pas sûr le soir, on y avait dernièrement assassiné quelqu’un.

— Mais vous n’avez pas peur, cher Arpard ? lui dis-je.

Nous nous appelions déjà par nos petits noms. Notre familiarité avait déjà fait d’immenses progrès. Il s’était confessé, je l’avais obligé à faire ses aveux. Il me jurait, par les étoiles et par la profondeur du ciel, de m’aimer jusqu’à sa mort. Il était tombé amoureux à Francfort. Son imagination était ardente et poétique, comme celle des tout jeunes gens. Il pressait et baisait mes mains. Arrivés dans une île, il tomba à mes pieds, — il disait qu’il adorait la terre qui me portait, et il me supplia de lui permettre d’embrasser mes pieds. Je m’inclinais vers lui, je lui baisais les cheveux, le front, les yeux. Il me prit par la taille et enfouit sa tête — vous ne devinez pas où ? — dans les environs de ce point que tous les hommes envient. Bien qu’il fût jalousement voilé de mousseline, caché par mes robes et ma chemise, Arpard semblait ivre. Il prit ma main droite et la pressa sur son cœur, sous son gilet. Ce cœur galopait et battait aussi fort que le mien. Mon genou droit se heurta à ses jambes, qui flageolèrent comme celles d’un homme ivre, et à cet attouchement il devint encore plus affolé et plus amoureux. Je crus que ses yeux allaient sauter hors de leurs orbites. Il était onze heures, nous