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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/199

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


tendre que certaines natures ne connaissent pas de bornes ; mais je puis affirmer que cela ne sera jamais mon cas. On pourrait tout aussi facilement affirmer que toutes les personnes qui assistent à des exécutions ou à des punitions corporelles — on sait qu’il y a toujours beaucoup plus de femmes que d’hommes — sont capables d’assassiner leurs semblables, s’ils osaient le faire impunément, pour satisfaire leurs morbides désirs. Mais ceci est faux, j’en suis sûre. Une de mes amies, une Hongroise, dont le père était officier et habitait avec toute sa famille à la caserne de Alser, à Vienne, assistait presque tous les jours à des exécutions corporelles. Elle voyait par la fenêtre comment les soldats étaient battus de verges et de martinet dans la cour. Jamais elle n’eut envie d’en faire autant personnellement ; elle n’était pas même capable de couper le cou à un poulet. Il y a un abîme entre la participation active et l’assistance passive.

Mme de L… fréquente dans les meilleures familles de Budapest. Les dames de la haute société sont intimes avec elle. Elle leur donne probablement des leçons dans l’art, qu’elle entend si bien, d’attirer les hommes. Ce n’était pas du tout compromettant de faire sa connaissance. En Allemagne, ça l’eût été. Je voulais bien la recevoir et Mme de B… me l’amena. Seul le baron de O… avait l’air mécontent et disait que ce n’était pas une société pour moi. Je ne sais pas pourquoi il la détestait tant. Elle me plut beaucoup. Elle n’était pas du tout provocante, ainsi que je le croyais. Quand nous nous connûmes mieux et que je l’eus