passage avec tant de passion, d’expression et de goût
qu’il nous enthousiasma tous. Je n’avais jamais entendu
une telle voix, elle me courait le long des nerfs.
Tout le monde applaudit et le ténor s’écria : « Après
vous, monsieur, ce serait une profanation si je continuais »,
et il gâcha le reste de sa partie, ainsi que
moi et les autres chanteurs.
Je me renseignai auprès de M. de R… et lui demandai s’il était Hongrois.
— Vous m’en demandez plus que je ne puis vous dire, me répondit-il. Sa carte de visite porte Ferry, F, e, r, r, y. Il peut être aussi bien Hongrois, Anglais, Italien ou Espagnol que Français, Allemand ou Russe. Il parle toutes les langues. Je n’ai pas vu ses papiers. Je sais seulement qu’il arrive de Vienne, qu’il est reçu à la cour, que l’ambassadeur anglais l’a recommandé auprès de son chargé d’affaires, qu’il a dîné avec le régisseur du théâtre Royal et que, dans la haute société, on est heureux de l’avoir à dîner. Je crois qu’il est chargé d’une mission diplomatique. Il habite l’Hôtel de la Reine d’Angleterre.
Ferry assista à la fin de la répétition et se fit présenter. Il était un parfait galant homme, et je dus me surveiller en parlant avec lui.
J’étais libre le soir quand j’avais eu une répétition générale dans la journée. On m’avait recommandé d’assister souvent à la comédie, pour entendre la bonne prononciation du hongrois. J’allai le soir au théâtre. Mme de R… me tenait compagnie dans ma loge. Au premier entr’acte, j’eus la visite inattendue