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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/236

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


d’or m’entourait la taille. Ma coiffure se composait de plumes multicolores de marabout.

Je ne voulais pas porter mes bijoux pour ne pas être reconnue. Je les déposai chez une juive, qui m’en donna d’autres et qui devait me rendre les miens. J’avais à la main une houlette dorée, surmontée d’un oiseau des îles en ivoire. Mon costume était donc plein de goût et très original. En outre, j’avais un masque en taffetas qui ne me découvrait que les yeux et la bouche. La couleur de mes cheveux n’était pas assez voyante pour me trahir, bien qu’il y ait bien peu de femmes qui aient une aussi riche toison que moi.

Le 23 janvier, à sept heures du soir, nous allâmes, Anna et moi, à la rue des Brodeurs. J’avais jeté sur mon costume une lourde pelisse. Anna me quitta dans le vestibule. Rési Luft me reçut. Il y avait déjà beaucoup de monde dans la salle et l’orchestre jouait. Les messieurs que je vis étaient M. de D… et le baron … Ils ne portaient pas de masques. Bizarrement accoutrés, ils n’avaient qu’une sorte de caleçon de bain en soie. Mon entrée dans la salle fit sensation ; j’entendis les dames murmurer : « Celle-ci va nous battre », « Comme elle est belle ! » « Elle est en sucre, on a envie d’y mordre », etc., etc. Les messieurs étaient encore plus ravis. Les plus belles parties de mon corps étaient faiblement voilées, mes reins, mes bras, mes mollets. Je cherchais Ferry dans la foule. Il était avec une dame, costumée de tulle blanc, avec des roseaux et des lis comme attributs, car elle était