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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/238

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


femmes m’affolait. Tous les yeux masculins étaient brillants ; durant la danse, ils se tournaient tous vers un but précis ; les baisers pétillaient. Un parfum voluptueux s’élevait de ces hommes et de ces femmes. J’avais le vertige. Les bagues de Ferry me touchaient, elles m’écorchaient ; je me pressais contre lui, j’étais prête à lui dire qu’il me plaisait ; mais il ne le remarqua pas et me demanda : « N’es-tu pas jalouse ? »

— Non ! fis-je. J’aurais voulu te voir comme Mars avec Vénus.

Il me quitta et prit Vénus, qui causait avec un autre homme.

Quelques filles de la maison apportèrent un tabouret recouvert de velours rouge. Elles le placèrent au milieu de la salle. Vénus s’y assit et Ferry s’accroupit devant elle. Vladislawe et Léonie s’accroupirent à leurs pieds. L’une rafraîchissait avec un éventail le visage de la déesse et en essuyait la sueur avec un mouchoir ; l’autre chantonnait doucement des chansons gaies de circonstance.

C’était trop ! Vénus et une autre dame dansaient devant moi ; une troisième m’éventait avec de grands éventails de plumes comme on en voit sur les peintures murales des Égyptiens, ou encore comme ceux dont on se sert pour les fêtes papales à Rome. Mes sens s’évanouissaient, mon souffle haletait, mon corps tremblait, tremblait si fort dans cette folie qu’il me brûlait. Tout tournait autour de moi, il me semblait être dans le désert pendant le simoun, quand le voyageur égaré croit voir toutes sortes de mirages