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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/239

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


plus affolants les uns que les autres et qui trompent son anxiété. Je râlais. Tous mes nerfs, qui s’étaient détendus, se crispèrent, mes tempes étaient en feu. Les danseurs et les danseuses diaboliques tournaient. Oh ! ce qu’ils s’entendaient bien aux folies. Parfois, la danse s’arrêtait complètement. Je ne me souviens d’avoir assisté à une telle folie qu’à Paris, dans une fête mondaine où tout à coup les invités furent pris d’une frénésie égale et se mirent à danser comme font les Peaux-Rouges dans la terrible danse du scalp, qu’ils exécutent devant l’ennemi qu’ils vont immoler après l’avoir vaincu et pris. Mais à Paris, cependant, ces danses — les plus folles des danses — me paraissaient réglées par une sorte de bienséance que les Français, même les plus mal élevés, n’abandonnent jamais. Tandis qu’ici toute bienséance, toute morale enfin étaient mises de côté, et il ne restait que le plaisir de s’amuser, le plaisir d’être libre pendant quelques heures, avant de reprendre le hideux masque de la respectabilité mondaine, qui est la vraie règle des civilisations, règle nécessaire aussi, puisque sans elle nos sens, nos instincts déchaînés nous ramèneraient vraisemblablement très vite à l’état des animaux.

La danse s’arrêta un moment aux applaudissements des spectateurs, qui avaient fait cercle autour de nous. Les danses seules se suivaient à intervalles réguliers, on les applaudissait chaque fois. Je sentis une commotion électrique qui me paralysa le cœur. Sans sa présence d’esprit, je serais tombée ; Ferry