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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/244

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


étouffé par les chants des montagnards du premier groupe ni par les hurlements, les castagnettes, les tambourins, la grosse caisse. C’était vraiment de la folie, et de la folie musicale, qui plus est, et je me crus un instant dans un asile d’aliénés.

Tous les messieurs et toutes les dames avaient participé à ce concert, avec une activité plus ou moins vive, selon les tempéraments. Personne ne s’était dérobé à l’obligation de s’amuser. Ferry, parmi les hommes, et moi, parmi les femmes, nous étions encore les plus raisonnables.

Vénus, moi et la comtesse Bella étions les seules femmes qui ne se fussent point démasquées.

J’appris plus tard qui était Vénus. C’était une femme célèbre par ses aventures galantes. Elle se serait gardée pourtant d’enlever son masque, tandis que la comtesse Bella était une véritable furie, un démon féminin. Elle criait à haute voix : « Viens ici ! Allons, ne sais-tu pas que je suis une putain, une vraie putain ? » Elle fit le tour de toutes les pensionnaires de la maison ; elle leur distribuait des bonbons, des fruits ou du champagne. À table, elle but un plein verre d’eau-de-vie qu’un monsieur lui avait rempli. Elle était ivre-morte, se roulait sous la table. Rési Luft dut l’emporter dans un cabinet et la mettre au lit. Elle l’enferma à clé. Bella essaya d’enfoncer la porte, enfin elle tomba par terre et s’endormit. Un peu plus tard, deux pensionnaires montèrent voir si elle dormait. Elles la trouvèrent se vidant par toutes les ouvertures, comme un tonneau défoncé, et la mirent

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