VI
À FLORENCE
J’avais atteint ma vingt-septième année. Mes parents
étaient morts dans l’intervalle d’une semaine, emportés
par une épidémie. J’étais pour ainsi dire seule au
monde. J’avais perdu de vue ma parenté. Ma vieille
tante, chez qui j’avais logé à Vienne en débutant au
théâtre, dura le plus longtemps ; elle mourut un an
après que j’eus quitté Budapest. Ce cousin dont je vous
ai parlé avait suivi la carrière militaire. Il avait perdu
la mauvaise habitude de son enfance et était devenu
un tel roué que les débauches le tuaient. J’avais beaucoup
de chance d’un côté, pourtant j’avais dû supporter
quelques durs chagrins. Je perdis mes deux
premiers amants : Arpard A…, qui dut partir à Constantinople,
où il avait un emploi à l’ambassade, et
Ferry, qui émigra en Amérique. Avant ce départ,
qui était forcé, il m’écrivit une longue et tendre
lettre où il me jurait un éternel amour. Il m’écrivait
qu’il voulait m’épouser si je le suivais en Amérique.
Il n’osait plus rester en Europe, car il y risquait sa
vie. Les bandits, dont quelques-uns avaient eu mes