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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/36

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


le remarquèrent à la fin. Je mourais d’impatience de regagner ma chambre pour être seule et approfondir ce que je venais d’apprendre et me livrer enfin à des expériences personnelles. Ma tête était en feu ; mon sang battait dans mes artères.

Ma mère crut que je m’étais trop serrée. Elle m’envoya dans ma chambre. J’avais une belle occasion pour me déshabiller, et je le fis avec une telle hâte que je déchirai presque mes habits. Que mon corps angulaire était laid en comparaison de la beauté plantureuse de ma mère ! C’est à peine si s’arrondissait ce qui chez elle était épanoui. J’étais comme une chèvre, tandis qu’elle représentait une belle chatte ; il me semblait que j’étais un monstre de laideur auprès d’elle. J’essayais de faire seule ce que j’avais vu faire par d’autres que moi et ne pouvais comprendre comment certains détails corporels si peu importants pouvaient déchaîner des joies qui m’étaient encore refusées. J’en conclus que j’étais trop jeune et que seuls les êtres d’âge mur peuvent éprouver tant d’allégresse ; cependant j’avais des sensations très agréables. Mais je ne pouvais pas comprendre comment elles pouvaient déchaîner un tel délire et vous faire perdre les esprits. J’en conclus encore que l’on ne pouvait atteindre cette suprême volupté qu’avec le concours d’un homme. Je comparais le pasteur à mon père. Est-ce qu’il posait aussi ? Était-il aussi bouillant, aussi voluptueux, aussi fou seul à seul avec une femme ? Serait-il ainsi avec moi si j’étais prête à faire tout ce que ma mère avait fait ? Et je ne

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