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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/35

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


nous nous aimons comme Philémon et Baucis ! » Leur ravissement dura quelques minutes, puis ce fut le silence.

J’étais comme pétrifiée. Les deux êtres pour lesquels j’avais ressenti jusqu’à présent le plus d’amour et de respect venaient de me révéler des choses sur lesquelles les jeunes filles se font des idées délicieusement absurdes. Ils avaient rejeté toute dignité et toutes les conventions dans lesquelles ils s’étaient toujours montrés, dignes et sans passion. Ils venaient de m’apprendre que le monde, sous le maintien extérieur des mœurs et des convenances, ne recherche que la jouissance et la volupté. Mais je ne veux pas faire de la philosophie, je veux avant tout raconter.

Durant dix minutes ils restèrent comme morts sous les draps. Puis ils se levèrent, s’habillèrent et quittèrent la chambre. Je savais que ma mère allait mener mon père dans la chambre où les cadeaux étaient exposés. Cette chambre donnait sur la véranda qui menait au jardin. Au bout de quelques minutes je quittai furtivement ma cachette et me sauvai dans le jardin, d’où je saluai mes parents. Je ne sais pas comment je pus réciter ma poésie et présenter mes bons vœux à mon père. Mon père prit mon trouble pour de l’attendrissement. Pourtant je n’osais regarder mes parents, je ne pouvais oublier le spectacle qu’ils venaient de m’offrir ; l’image de leurs ébats était devant mes yeux. Mon père m’embrassa, puis aussi ma mère. Quelle autre espèce de baisers n’était-ce pas ? J’étais si troublée et si confuse que mes parents