Aller au contenu

Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


55
MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


tout à fait impossible. Je ne ressentais aucun plaisir. Je ne pouvais que constater cette vérité qui me navrait. Je me contentai de chauffer l’instrument entre mes mains. J’avais décidé d’ouvrir enfin la voie des fortes joies que d’autres éprouvaient et dont je n’avais eu que l’avant-goût. Marguerite m’avait dit que même entre les bras d’un homme cela était douloureux, et que bien des femmes prenaient goût à ces choses seulement après plusieurs années d’abandon le plus complet à l’homme aimé. J’essayai donc. Je chauffai l’instrument entre mes mains et je m’apprêtai non sans une certaine appréhension. Je voulais recevoir l’hôte exigeant. Je remarquai que ces quatre nuits passées avec Marguerite avaient contribué à faire de grands changements en moi. J’étais maintenant non plus une petite niaise, mais presque une femme comme toutes celles que je voyais agir, souffrir ou jouir autour de moi. Aussi je ne m’épargnai pas. Je fis comme avait fait Marguerite tandis que je la regardais avec attention lors de l’étrange nuit où nous étions séparées par un paravent, et où elle lisait le livre à images. J’étais si excitée que je supportai toute la douleur avec une constance qui m’étonnait. Enfin, je parvins au but que j’avais si longtemps désiré et que je croyais devoir être le paradis. Je me fis du mal et ma déception fut en somme très vive, car je n’éprouvais pas la moindre volupté. Il me fut aussi très douloureux de me croire faite autrement que toutes les femmes. J’étais inconsolable de cette expérience. Je ne comprenais rien de ce qui