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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/88

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


ment, nous devons le faire en secret ; cela nous rend malheureuses de ne pouvoir avouer que nous ne sommes pas indifférentes. L’homme n’est pas forcé d’avoir mille et mille égards. Il n’a que plaisir et joie, c’est nous qui supportons toutes les douleurs. Pourquoi donc perd-il en secret, de sa main froide, ce qu’il a tant d’occasions d’employer plus profitablement ? Je me disais donc que les excès, toujours dangereux, le sont particulièrement dans les choses de l’amour, et cette connaissance acquise par hasard m’a conservée jusqu’à présent gaie, joyeuse et sensuelle. Je rentrais dans la maison de mes parents plus riche surtout de la science suivante : il y a deux espèces de morales dans le monde : la morale officielle qui cimente les lois de la société bourgeoise et que personne ne peut enfreindre impunément, et la morale naturelle entre les deux sexes, dont le ressort le plus puissant est le plaisir. Naturellement, je ne connaissais pas encore cette éthique, je la devinais à peine, obscurément, d’instinct, et je n’aurais pas encore su la formuler. J’y ai souvent réfléchi depuis, cette double nature de l’éthique m’a toujours été confirmée. Ce qui est moral dans les pays mahométans est immoral dans les pays chrétiens. La morale de l’antiquité est autre que celle du moyen âge, et ce qui était permis au moyen âge offusquerait nos sentiments. La loi de la nature est l’union la plus intime entre l’homme et la femme ; la forme sous laquelle cette union s’accomplit dépend du climat, des convictions religieuses et de l’ordre social.