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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/92

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


lui. En conscience, Marguerite et moi, nous étions aussi fautives que lui. Si Marguerite ne m’avait pas mise en garde, je serais aussi tombée dans des excès, vu ma curiosité et mon inexpérience. J’aurais peut-être perdu ma santé, ainsi que des millions de jeunes filles anémiées, aux yeux hagards, qui profitent de chaque moment de solitude pour goûter jalousement ce que la morale et les mœurs leur défendent.

Vous pensez bien qu’après tant d’expériences j’observais les hommes et les choses avec beaucoup plus d’attention, avec de tout autres yeux. Je voyais partout les secrets de la dissimulation, je soupçonnais des intrigues entre toutes les personnes qui m’entouraient, le plus souvent à tort, ainsi que je dus bien en convenir plus tard. J’observais, j’étais tout oreilles, afin de surprendre ce que l’on voulait me cacher et ce que l’on m’avait caché jusqu’alors. J’aurais voulu surprendre encore une fois mes parents, je faisais mille plans pour y arriver ; mais j’étais trop peureuse pour les exécuter, j’avais honte de le faire, et je suis contente aujourd’hui de ne l’avoir pas fait. De les surprendre volontairement aurait été un sacrilège ; et pourquoi salir la joie tranquille de deux bonnes personnes ? Je n’avais pas à me reprocher de les avoir surpris par hasard, ainsi que d’avoir vu la lasciveté de Marguerite. Tout m’était encore poésie, mais je devais bientôt connaître la prose. Je vous ai déjà dit que peu de temps après mon retour à la maison je devins pleinement une jeune fille. Je voyais avec frayeur les premiers signes de ma maturité. Je