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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/91

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L’ŒUVRE DES CONTEURS ALLEMANDS


enfants nés d’un combat d’amour sont plus robustes que les enfants nés d’un mariage ennuyeux, « conçus entre veille et sommeil », ainsi que dit Shakespeare. La provocation et le refus sont donc des lois naturelles, ainsi que le vouloir de l’homme d’obtenir une soumission entière et l’instinct de la femme de refuser cette soumission. Quand une femme se plaint de la froideur de son mari, c’est qu’elle a été trop sincère au moment du plaisir suprême et qu’elle n’a pas laissé un seul désir à l’homme.

Ma mère avait caché le plaisir qu’elle goûtait dans le miroir, Marguerite ne m’avait pas montré son instrument, et je savais que toutes les deux étaient sensuelles jusqu’au suprême degré. Je n’ai pas oublié cette leçon, ainsi que vous allez le voir.

Toutes ces choses occupaient de la plus agréable façon mon imagination. Je n’en connaissais que le côté poétique, à l’expérience de mon cousin près. J’avais vu deux êtres aimables, bien élevés et vertueux, se vouer aux joies d’un jour de fête, goûter aux plaisirs d’une possession réciproque et plénière. Avec Marguerite, il m’était toujours resté un désir, je sentais que quelque chose de plus complet m’attendait. J’ignorais encore la matérialité, tout le mécanisme de la jouissance animale. Et même dans la sensualité secrète de mon cousin il restait un brin de poésie. Savais-je ce qui le poussait ? Connaissais-je alors toutes les passions humaines ? Ce qui m’offensait n’était, au fond, que son indifférence à mon égard, moi, fraîche jeune fille qui venais m’offrir à