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Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/98

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MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE


souvent plus quand on se donne la peine de chercher les causes et les circonstances.

Les premiers temps de mon séjour à Vienne furent sensiblement sans joie. Nous n’avions presque pas de connaissances et je suivais assidûment les leçons de chant de mon excellent professeur. Ma seule distraction était d’aller au théâtre quand on y donnait l’opéra. J’aurais eu assez souvent l’occasion de faire des connaissances. J’étais dans cet état de la jeune fille que l’on nomme si justement « la beauté du diable ». Beaucoup de jeunes gens me faisaient la cour, mais ma petite raison avait tout mis en ordre. Je voulais avant tout devenir une cantatrice célèbre, — ensuite seulement je voulais jouir ! — Rien ne devait déranger le cours de mes études. Je rabrouais mes admirateurs avec tant de sévérité que l’on me laissa bientôt suivre mon chemin toute seule. Ma vieille parente était enchantée de ma vertu et de ma conduite. Il est vrai qu’elle ne soupçonnait même pas mes divertissements secrets, que d’ailleurs je goûtais également avec mesure.

J’arrive à une partie de mes confessions qui m’est beaucoup plus difficile à vous conter que tout le précédent. Je vous ai promis d’être sincère, aussi je vais tout avouer. J’ai oublié de vous dire que Marguerite m’avait fait cadeau du fameux livre. C’était l’œuvre excitante et voluptueuse Félicia ou Mes Fredaines, illustrée d’aquatintes qui m’auraient appris à elles seules ce qui fait le centre de toute activité humaine, si je n’avais pas été initiée. Cette lecture me procurait