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IVANHOÉ.

— Ils n’y viennent pas, ou, s’ils viennent, ils aiment mieux se réjouir à la table de leurs conquérants que d’entendre les lamentations de leurs compatriotes ; du moins, c’est ainsi que la renommée en parle ; car, par moi-même, je ne sais que peu de choses à cet égard-là. Ce château, depuis dix ans, ne s’est ouvert pour aucun prêtre, à l’exception du chapelain normand et débauché qui partageait les orgies nocturnes de Front-de-Bœuf, et celui-là, depuis longtemps, est allé rendre compte à Dieu de sa conduite. Mais tu es un Saxon, toi, un prêtre saxon, et j’ai une question à t’adresser, ou, pour mieux dire, une confession à te faire.

— Je suis Saxon, il est vrai, répondit Cédric, mais indigne assurément du nom de prêtre ; laissez-moi continuer mon chemin. Je vous le jure, je reviendrai ou j’enverrai l’un de nos frères ; il sera plus digne que moi d’entendre votre confession.

— Reste encore un peu, dit Urfried ; les accents de la voix que tu entends maintenant seront bientôt étouffés par la froide terre, et je ne voudrais pas descendre au tombeau en indigne créature, telle que j’ai vécu. Mais il faut que le vin me donne la force de raconter les horreurs de mon histoire.

Urfried se versa une coupe de vin et la vida avec une avidité qui semblait vouloir extraire la dernière goutte du gobelet.

— Le vin me ranime, dit-elle en levant les yeux vers le plafond après avoir bu ; mais il ne saurait me réjouir. Buvez, mon père, si vous voulez entendre mon récit sans tomber à la renverse.

Cédric aurait voulu pouvoir repousser cette triste invitation ; mais le signe qu’elle lui fit exprimait tant d’impatience et un si profond désespoir, qu’il se rendit à sa prière et avala une grande coupe de vin. Alors, et comme si la complaisance du Saxon eût calmé ses esprits, elle parut plus calme et parla en ces termes :