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Page:Servières - Richard Wagner jugé en France, 1887.djvu/21

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Étrange patriotisme que le nôtre ! Jusqu’à présent, du moins, les nations se contentaient d’élever des statues aux triomphateurs. Mais nous, depuis la guerre, nous avons érigé des monuments symbolisant la défense du territoire, qui se dressent, menaçants et dramatiques, sur tous les points où nos troupes ont été battues, comme pour éterniser le souvenir de nos revers, à moins que notre présomption n’ait ainsi cherché à glorifier des désastres inouïs par une mensongère apparence de victoire. Bien mieux, sur la plus belle place de Paris, la statue de Strasbourg disparaît sous les drapeaux, les bouquets, les emblèmes, ainsi qu’un sépulcre. L’effigie de pierre, avec ses treillis de perles effiloquées, ses lambeaux tricolores déteints, ses immortelles moisies, d’un aspect funèbre par un ciel d’orage où roulent, chargées de pluie, des nuées livides, apparaît loqueteuse et malpropre au clair soleil d’une matinée de juin. L’hiver dernier, ensevelie sous une couche de neige d’où émergeait, çà et là, une hampe dépouillée, elle évoquait les tertres lugubres, dans un cimetière gelé, de la fosse commune sur laquelle ont pourri des fleurs de pauvre et des couronnes flétries…

Le 14 juillet, pendant que, sur la place de la Concorde, défilait, pour se rendre à la revue de