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Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/130

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Si la reprise de Tannhæuser est désirable, ce n’est pas seulement parce que la revanche des sifflets de 1861 est due à l’auteur ; à ce compte, le succès éclatant de Lohengrin et de la Walkyrie l’a amplement dédommagé[1] j’affirme, pour avoir vu Tannhæuser en Allemagne, que les Parisiens seront confondus d’y découvrir, comme l’ont fait avant eux les spectateurs de Bayreuth, un drame psychologique profondé-

    dramatique d’idées et de sentiments, mais une sorte de concert. D’un autre côté, ce conflit, dans lequel se dégage tout le caractère des personnages, n’aurait pu être rendu dans toute sa puissance dramatique sans le secours de la toute-puissance et de la variété de l’expression musicale telle que je la comprends. J’ai eu la vive satisfaction de pouvoir constater maintes fois que c’était précisément cette scène si osée qui recevait à chaque représentation la plus chaude et la plus vive approbation des spectateurs ; j’ai remporté ainsi ce triomphe d’avoir pu captiver l’attention de notre public d’opéra, non par le sentiment, mais par une pensée dramatique, ce dont il avait perdu complètement l’habitude. »

  1. Après avoir entendu au Conservatoire le troisième acte de Tannhæuser, le 26 février 1893, après avoir vu représenter cet opéra à Bayreuth, M. Bertrand, enthousiasmé, avait manifesté l’intention de le monter tout de suite. Ce projet fut entravé par l’opposition de certains compositeurs-critiques, qui affectèrent de croire que Mme Wagner imposait aux Parisiens une sorte d’amende honorable pour les sifflets de 1861. Devant cette hostilité, les directeurs optèrent pour Tristan et Yseult. Des difficultés d’exécution les ont décidés de nouveau à donner la préférence à Tannhæuser.