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Page:Servières - Tannhæuser à l’Opéra en 1861, 1895.djvu/131

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ment humain et émouvant, que des exécutions de fragments au concert ne pouvaient leur révéler. Tannhæuser, à condition que le caractère de l’œuvre soit manifesté par une mise en scène conforme à celle de Bayreuth, apparaît au théâtre non comme un opéra légendaire, mais comme un drame, et captive les spectateurs bien plus par le conflit des sentiments humains que par le pouvoir expressif de la musique.

Par exemple, un des moments capitaux de l’action est celui où, Tannhæuser ayant invoqué le nom de Marie, tout le Venusberg s’effondre autour de lui. Sans avoir changé de place, il se retrouve au matin dans la calme vallée de la Wartburg. Il n’y a pas là qu’un vulgaire changement à vue. Tannhæuser, véritable image de l’âme humaine, aspire toujours à autre chose qu’à ce qu’il possède. Dans le royaume enchanté de Vénus, il a désiré la liberté, la vue de la nature, des vertes campagnes, le chant des oiseaux et, par un prodige miraculeux, tout cela lui est rendu dans l’instant même. Le ravissement de ses yeux, de ses oreilles, que charment le tintement des cloches du troupeau, le naïf refrain du pâtre et la ritournelle agreste du chalumeau, tout cet épisode, qui a fait hausser les épaules il y a trente-deux ans, produit une impression poignante lorsqu’une mise en scène intelli-