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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1864, tome 1.djvu/468

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CORIOLAN.

premier esclave.—Je le crois : mais tu connais un plus grand guerrier que lui.

second esclave.—Qui ? mon maître ?

premier esclave.—Oui : mais il n’est point question de cela.

second esclave.—Je crois que celui-ci en vaut six comme lui.

premier esclave.—Oh ! non, pas tant ; mais je le regarde comme un plus grand guerrier.

second esclave.—Cependant, pour la défense d’une ville, notre général est excellent.

premier esclave.—Oui, et pour un assaut aussi.

(Rentre le troisième esclave.)

troisième esclave.—Ho ! ho ! camarades ; je puis vous dire des nouvelles, de grandes nouvelles, scélérats !

tous deux ensemble.—Quelles nouvelles ? quelles nouvelles ? Fais-nous-en part.

troisième esclave.—Si j’avais à choisir, je ne voudrais pas être Romain : oui, j’aimerais autant être un criminel condamné.

tous deux.—Pourquoi donc ? pourquoi ?

troisième esclave.—C’est que celui qui avait coutume de frotter notre général, Caïus Marcius, est ici.

premier esclave.—Tu dis frotter notre général ?

troisième esclave.—Eh bien ! peut-être pas le frotter, mais tout au moins lui tenir tête.

second esclave.—Allons, nous sommes camarades et amis : disons la vérité ; il était trop fort pour lui. Je le lui ai entendu avouer à lui-même.

premier esclave.—À dire vrai, oui, il était trop fort pour lui. Devant Corioles, il vous le hacha comme une carbonnade.

second esclave.—Oui, ma foi ; et s’il avait été anthropophage, il vous l’aurait grillé et mangé.

premier esclave.—Mais voyons la suite de tes nouvelles.

troisième esclave.—Eh bien ! on le traite ici comme s’il était le fils et l’héritier du dieu Mars. Il est placé à table sur le siège d’honneur ; pas un de nos sénateurs qui osât lui faire une question ; tous sont restés ébahis devant