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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 11.djvu/24

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LA PATRIE.

sement cette objection, il faudrait être sûr que les paroles que le procès-verbal des juges d’instruction prête à Phillips, fussent parfaitement exactes. En outre, ces paroles pouvaient ne pas représenter fidèlement la pensée du comédien ; elles pouvaient n’être qu’une échappatoire opposée par lui à une demande embarrassante. Phillips, — hésitant d’une part, à reprendre une pièce rendue dangereuse par les allusions qu’elle contenait, et voulant, d’autre part, éviter une scabreuse explication politique où le nom de la reine eût été infailliblement prononcé, — a pu alléguer, comme prétexte, que la pièce était trop vieille pour attirer le public. Mais admettons que ses paroles fussent sincères. Était-il étonnant qu’un chef de troupe, en train de représenter fructueusement quelque ouvrage nouveau, peut-être Comme il vous plaira, peut-être Beaucoup de bruit pour rien, répugnât à le remplacer subitement par une ancienne pièce dont le succès semblait avoir été épuisé par une longue série de représentations ? Dans son hésitation fort légitime et fort logique, ce chef de troupe ne pouvait-il être tenté, dût-il exagérer sa pensée, de déclarer « vieille et tombée en désuétude » une pièce ancienne de six à sept ans ? À une époque où les ouvrages dramatiques se multipliaient si vite sur la scène, un intervalle de six à sept ans suffisait d’ailleurs amplement pour retirer à un drame, si célèbre qu’il fût, l’attrait de la nouveauté. Ainsi que l’avoue fort bien M. Collier, « en supposant que le Richard II de Shakespeare ait été écrit en 1595, comme Malone l’imagine, ou en 1596, comme le prétend Chalmers, il aurait pu être qualifié de vieille pièce en 1601, en raison de la rapidité avec laquelle les pièces de théâtre se succédaient alors. »

Ainsi, convenez-en, il n’y a rien dans les paroles d’Augustin Phillips qui empêche de croire que l’ouvrage