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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/60

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SONNETS.

pourtant pour ce qu’il y a de meilleur ils prennent ce qu’il y a de pire.

Si mes yeux, corrompus par un regard plus que partial, sont ainsi mouillés dans une baie que sillonnent toutes les proues, pourquoi as-tu forgé d’illusions l’ancre où est lié le jugement de mon cœur ?

Pourquoi mon cœur considère-t-il comme un parc réservé ce qu’il sait bien être la place publique de l’univers ? Pourquoi mes yeux voyant cela disent-ils : cela n’est pas, et revêtent-ils d’éclatante pureté une face si noire ?

C’est que mon cœur et mes yeux ont perdu le chemin du vrai et sont maintenant égarés par une fausseté fatale.

XVI

Quand ma bien-aimée me jure qu’elle est faite de pureté, je la crois, bien que je sache qu’elle ment, afin qu’elle puisse me prendre pour quelque jeune novice, ignorant les fausses subtilités du monde.

Ainsi, me figurant vainement qu’elle se figure que je suis jeune, bien qu’elle sache que mes plus beaux jours sont passés, je me fie simplement à sa parole menteuse : des deux côtés ainsi la simple vérité est bannie.

Mais pourquoi ne dit-elle pas qu’elle est impure, et pourquoi ne dis-je pas que je ne suis plus jeune ? Ah ! c’est que la meilleure habitude en amour est la confiance apparente, et que l’âge amoureux n’aime pas qu’on lui dise ses années.