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Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 15.djvu/98

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SONNETS.

les craintes sur les espérances, les espérances sur les craintes, perdant toujours à chacune de mes victoires !

Quelles misérables erreurs mon cœur a commises, alors qu’il se croyait au comble du bonheur ! Comme mes yeux ont été jetés hors de leur sphère, dans la distraction de cette fièvre délirante !

Ô bénéfice du mal ! j’ai reconnu ainsi que le pire fait paraître le bien meilleur, et que l’amour en ruine, une fois restauré, reparaît plus beau, plus fort, plus grand qu’il n’était d’abord.

Ainsi, je reviens par rebut à mon bonheur, et je gagne par le mal trois fois plus que je n’ai perdu.

LXXVII

Les torts que vous eûtes un jour me réconcilient avec vous maintenant. Le souvenir du chagrin que vous me fîtes sentir alors doit forcément me faire plier sous le remords, si mes nerfs ne sont pas de cuivre ou d’acier.

Car, pour peu que vous ayez souffert de mes torts ce que j’ai souffert des vôtres, vous avez passé des heures d’enfer. Et moi, cruel, qui n’ai pas un seul instant songé à tout le mal que m’avait fait votre faute !

Ah ! pourquoi l’ombre de mon désespoir n’a-t-elle pas rappelé à ma sensibilité profonde quelle blessure fait une vraie douleur, et ne vous a-t-elle pas offert plus tôt, comme vous-même me l’aviez offert, le baume du repentir qui panse les cœurs blessés ?