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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/131

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tion du crime. Encore ne condamnait-on pas le coupable si les témoins avaient oublié de lui représenter la gravité de l’action qu’il allait commettre, s’interposant ainsi généreusement une dernière fois entre lui et la malheureuse victime. Et puis, dans la crainte qu’un sentiment d’inimitié, de haine personnelle, eût pu quelquefois inspirer et dicter de fausses dépositions, on obligeait les témoins à prêter, eux les premiers, la main à l’exécution du condamné. On espérait ainsi, en les forçant à verser un sang peut-être innocent, les faire revenir d’un instant possible de surexcitation passionnée !

Toutes ces précautions, vraiment dignes d’être remarquées, ne disent-elles pas assez le prix que le Judaïsme attache à la vie d’un homme ? Est-il encore besoin. après cela de citer cette parole du Talmud : « Un Sanhédrin qui fait tomber une tête dans l’espace de sept années n’est pas digne de siéger au sanctuaire de la justice ? » Rabbi Eliézer ajoute : « Un Tribunal qui prononce la peine de mort une fois tous les soixante-dix ans mérite le nom de Tribunal meurtrier[1]. »

Si la vie d’un homme est chère au Judaïsme, sa liberté lui est tout aussi précieuse. C’est à peine si on parle de prison dans le Pentateuque. Par contre, il y est dit positivement que, si une accusation est portée contre quelqu’un, les juges doivent commencer par faire les recherches les plus minutieuses[2] ; il y a là l’honneur, la réputation, la liberté d’un citoyen à sauvegarder ; de légers indices ne suffisent pas pour le traduire au tribunal ; il en faut de graves, de sérieux. Ce n’est pas tout. Les juges ne peuvent être choisis ni parmi les vieillards, ni parmi ceux qui ne sont pas pères de famille, dans la crainte que leur cœur soit rebelle aux sentiments de pitié et de com-

  1. Talmud, Traité Makkoth, p. 7, et Maimonide, même matière, chap. 1, v. 10.
  2. Deut., chap. XV, v. 15.