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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/379

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En présence de semblables convictions, qu’est-ce encore, je vous prie, qu’une borne, qu’une limite ou de ville, ou de département, ou de contrée, ou de pays ? On sait aujourd’hui ce que c’est. Cela n’a certes plus l’apparence d’une ligne de démarcation. Aujourd’hui que la vapeur rapproche les distances, que, par de gigantesques travaux d’art les vallées sont comblées, les montagnes aplanies, et que l’on envoie sa pensée, d’un bout du monde à l’autre, sur les ailes de l’électricité, il ne s’agit pas que de la prospérité spéciale d’un seul peuple ; c’est la prospérité générale qui est en jeu. C’est au bonheur de l’humanité entière qu’on travaille. Elle se prépare, cette époque bénie qu’ont prédite les prophètes, et où tous les cœurs battront à l’unisson. Cet amour qu’ils avaient essayé de mettre à la place de l’égoïsme, est en éclosion. Longtemps obligé de se renfermer en lui-même, il prend maintenant son essor, aidé par la science en progrès qui débarrasse la voie devant lui.

Moïse avait dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » et encore : « l’étranger comme toi-même. » C’était là proclamer le principe, et quel principe ! observe Rabbi Akiba, le célèbre martyr de Béthar, « certainement un des plus grands qui soient inscrits au Livre de la Loi[1] ». Mais ce n’était pas assez qu’Israël se pénétrât de ce fécond principe, et l’appliquât sur l’étroite terre de la Palestine que Dieu lui avait assignée comme demeure. Ce principe était descendu du ciel pour devenir le patrimoine du genre humain tout entier. Et qui l’offrira aux nations les plus éloignées, qui ira le leur communiquer, qui le répandra, le popularisera parmi elles ? Ce ne pourra être directement le Judaïsme à cause de la séparation où il se trouve momentanément avec ces nations pour avoir

  1. Voir Midrach Jalkout, dit. Cracovie, v. 40.