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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/385

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qui lui fût connue, jette sur elle un jour quelque peu douteux. « Une parole honnête, le pardon des injures valent mieux qu’une aumône qu’aura suivie la peine causée à celui qui la reçoit[1]. » Est-ce là une manifestation explicite de cet amour que l’on doit nourrir même pour un ennemi ? Cela s’appelle tout simplement écarter l’esprit de vengeance, mais ce n’est nullement prêcher cet oubli charitable des injures que prescrit si formellement le Pentateuque et, à son exemple, les Évangiles. Mahomet qui n’avait pas, comme Jésus, reçu une éducation juive, ne comprenait pas que la charité biblique était et devait être le contre-pied de l’égoïsme païen. Il prenait naïvement l’aumône pour de la charité, confondant les deux choses et s’imaginant que tout était accompli, quand l’on avait tendu au pauvre une main bienfaisante, matériellement bienfaisante.

Une dernière preuve enfin que la charité chrétienne, dans ce qu’elle a de vraiment large, n’est que la reproduction de la charité juive, telle que les docteurs juifs l’ont toujours enseignée et pratiquée, c’est que, de tous les apôtres qui sont allés de Jérusalem vers les Gentils, aucun n’a su parler de la charité aussi bien que l’a fait Paul, et Paul, on le sait, avait été, sous le nom de Saül, un des premiers disciples de Rabbi Gamaliel. Écoutons cet apôtre : « La charité, dit-il, est patiente ; elle est pleine de bonté ; la charité n’est point envieuse ; la charité n’est point insolente ; elle ne s’enfle point d’orgueil : elle n’est point malhonnête ; elle ne cherche point un intérêt ; elle ne s’aigrit point ; elle ne soupçonne point le mal ; elle ne se réjouit point de justice ; mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout ; elle croit tout ; elle espère tout ; elle supporte tout[2]. » Pas un de ces beaux traits ne manque de se

  1. Coran, chap. II.
  2. Épître aux Corinthiens, chap. XIII.