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Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/461

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naissance pour se substituer, dans le Christianisme, au pur dogme de l’Unité de Dieu auquel le Mahométisme s’est constamment gardé de porter la moindre atteinte.

Par contre, c’est la doctrine de Mahomet qui a le plus défiguré le dogme également si pur de la Providence, tel que l’enseigne le Judaïsme. Le fondateur de l’Islam ne voit partout que nécessité et fatalité. Ce n’est plus de Providence qu’il peut s’agir, mais uniquement de destin, quand, comme lui, on admet que tout est réglé, fixé, ordonné d’avance, et que le monde moral n’est, comme le monde physique, qu’un mécanisme dont Dieu engrène toujours ponctuellement le rouage. Dieu n’est plus alors, ainsi que Mahomet finit par l’avouer, l’Être qui contemple et observe ce qui se passe dans le monde ; préparant et amenant tout par lui-même, il n’a plus rien à regarder, rien à voir, rien à examiner ; il est le seul acteur, l’homme n’étant plus sur la terre qu’un instrument, une créature purement passive.

Avec le système chrétien de la prédestination, le dogme juif de la Providence est-il pourtant plus compatible ? Pas précisément. Car, que sert-il de dire, comme le rêve l’Église, que l’ensemble seulement de la vie de l’homme est prédestiné et non les actes de cette vie en détail ? Si je suis réellement prédestiné à quelque chose, ne faut-il pas que tous mes actes m’y conduisent et, dès lors, ces actes, à leur tour, ne sont-ils pas prédestinés ? Donc, ici encore point de véritable Providence, mais une copie vainement mitigée de l’antique fatum.

Nous avons montré ce que devient l’homme en présence de semblables affirmations. Sa dignité est bien près de faire naufrage et sa liberté de s’annihiler. Ne se dirigeant plus de son propre mouvement, où est pour lui le mérite de marcher à sa fin ? Quelle gloire lui revient-il même d’y parvenir au prix d’innombrables sacrifices ? On a beau exalter, dans le Mahomé-