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Page:Société de l’enseignement supérieur - Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899.djvu/313

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L’ŒUVRE DE BERGAIGNE

revisé le sens d’un très grand nombre de vocables védiques ayant pour initiale la lettre a. Il se proposait de mener jusqu’au bout ce travail, qui devait être en quelque sorte la préface de la traduction du Rig-Véda qu’il méditait. Il le déclare expressément dans la Conclusion de sa Religion védique (III, 281) :

« Mais j’aurai surtout, dit-il à propos de ce projet de traduction, à soumettre à une revision sévère, tous les articles du vocabulaire védique, sans aucune exception. »

Quant à la manière dont il doit procéder à cet égard, il l’indique en ces termes au début de son premier article :

« J’ai adopté pour le déchiffrement des hymnes védiques une méthode plus terre à terre, mais qui me paraît plus sûre (que celle que semblait préconiser M. Paul de St-Victor dans un passage de son livre Les Deux Masques que Bergaigne venait de reproduire), Cette méthode est en tous cas d’une simplicité enfantine. Elle consiste à comparer le dictionnaire du sanscrit classique, tel qu’il a été établi par les indigènes qui parlaient la langue, ou tout au moins l’écrivaient, et pur les savants européens qui ont dépouillé pour vérifier et compléter ce travail une littérature immense et d’une clarté généralement parfaite, et le dictionnaire védique tel qu’il a été dressé par M. Roth et reproduit par M. Grassmann, pour les besoins d’une interprétation aisée de dix mille distiques souvent assez obscurs. Toutes les fois qu’un mot qui n’a dans le premier de ces dictionnaires qu’un sens parfaitement déterminé, ou comportant tout au plus quelques nuances très voisines les unes des autres, a dans le second un, deux ou même une demi-douzaine de sens distincts, je fais une croix. Puis, quand je rencontre le même mot dans quelque passage difficile, au lieu de puiser dans les richesses, d’origine un peu équivoque, que le second dictionnaire met à ma disposition, j’essaie d’abord si par hasard je ne pourrais pas me contenter du sens unique donné dans le premier.

« C’est en opérant ainsi que j’en suis arrivé à douter que les peintures védiques fussent, comme on l’a fait croire à Paul de Suint Victor, des études d’après nature. Je me suis hasardé à dire qu’on y sentait le procédé, etc. »

Cette méthode si neuve en pareille matière et pourtant si naturelle et si sensée était de nature à révolutionner complètement l’exégèse védique. Elle eut pour résultat considérable et direct de permettre à Bergaigne de constater la nature et la signification des figures de rhétorique védiques. Ce bénéfice provisoire avait été signalé par lui dans une étude insérée dès 1881, dans le 4e volume des Mémoires de la Société de linguistique de Paris, sous le titre de Quelques observations sur les figures de rhétorique dans le Riq-Veda.

II

L’opération qui consistait à passer par voie de conséquence de l’établissement d’un lexique rationnel et réel à la mise en lumière des particularités métaphoriques du style védique, se comprend facilement. L’application des données de ce lexique aux textes des hymnes a-t-il pour résultat d’aboutir à un sens incohérent, on peut en conclure, et Bergaigne en concluait, qu’on se trouvait en pré-