Aller au contenu

Page:Sophocle (tradcution Masqueray), Tome 2.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son fils, il prétend ne lui demander qu’une faveur légère[1]. Il est vrai qu’Hyllos a de la répugnance à obéir. Disons-nous bien toutefois que s’il résiste, ce n’est pas pour les raisons physiques, morales qui nous feraient tous opposer un non énergique à une pareille requête. L’égoïsme seul le fait hésiter : la femme qui a été la cause unique de la mort de sa mère et de l’état terrifiant dans lequel se trouve Héraclès pourrait bien lui être fatale à lui-même : on ne cohabite pas avec ses pires ennemis[2]. Si Iole avait été pour son père une maîtresse comme une autre, se révolterait-il ? Cela est douteux.

Avouons que tout cela ne diminue pas le rôle de Déjanire et que ses hésitations, ses faiblesses, qui sont si humaines, la grandissent encore à nos yeux. Sophocle n’a rien écrit de plus juste que ce rôle et celui de Tecmesse dans l'Ajax lui est inférieur.

Son art s’inspire cette fois de l’observation quotidienne. Il crée un être très vrai, qu’il mêle à des légendes très anciennes, sans se soucier de l’antithèse. Euripide dans toutes ses pièces n’a jamais fait autre chose. Son influence est visible. On en trouve d’autres preuves en des faits plus minces.

D’abord le prologue des Trachiniennes est euripidéen. Tout le monde est d’accord là-dessus. Sans doute le monologue de Déjanire n’est pas ennuyeux comme certains prologues d’Euripide, qui ressemblent à de courtes préfaces mises en tête de ses pièces : elles abrègent les choses, mettent le public au courant de ce qu’il faut qu’il sache, pour qu’il puisse comprendre ce qui va suivre. C’est ce que fait au fond Déjanire.

Ensuite, dans un trio, les acteurs chantent déjà des vers


    déplaisants multiplié les précautions. Voir, par exemple, Maupassant qui ne pensait certainement pas à Sophocle, quand il écrivit Hautot père et fils dans La main gauche.

  1. Trach. 1216 sq.
  2. Trach. 1233-7.